Il y ha ja long temps (
mon treshonoré Seigneur) que j’ay eu bien bonne volunté d’employer mon foible esprit à composer, et mettre en lumiere chose qui fust digne de vostre humanité et prudence : tant pour l’entreprise par moy faite, entrant en vostre service, que pour la grand faveur et familiarité qu’il vous ha pleu me monstrer estant vostre subjet. Mais deux raisons m’ont de ce faire grandement empesché. L’une pour la rigueur du temps, lequel vous ha esté autant contraire (ou peu s’en fault) que à ceux qui plus y ont perdu. L’autre ce ha esté, non seulement la crainte d’encourir l’indignation et malveillance de ceux qui pour le jourd’huy ont les aureilles friandes, la bouche et le cœur du mesmes : mais aussi pource que la complexion des humains est alienée de reputation et verité jusques au dernier poinct. Toutefois à fin que n’eusse occasion de m’excuser, nonobstant ces causes, j’ay bien osé prendre la hardiesse de composer (non sans cause) ce petit livre du
Tuteur d'amour : plus pour vous donner contentement et plaisir, que pour l’honneur et profit qui en pourroit venir : et s’il ne peult faire qu’en vous donnant quelque plaisir par mes petis labeurs, je n’impetre quelque peu d’honneur ou profit : je ne doubte point que plusieurs (toutesfois ignorans l’effect de mon vouloir) ne m’arguent d’arrogance et presumption pour m’attribuer ce nom de Tuteur d’amour (chose invicible). Mais quand ilz sçauront quelle est mon intention (qui ne fut jamais autre que recevable) je m’attends qu’ilz mettront fin aux reproches. Et ce pendant,
mon treshonoré Seigneur, prendrez s’il vous plaist en gré cestuy cy : esperant avec l’ayde de Dieu nostre Seigneur vous contenter de plus grand chose.